2010 - 2020 CES CHAMPIONS DE FRANCE QUI ONT GRANDI - 3

Un titre avec le cheval d'une vie. Quelles traces ?

Pour Capucine qu’est-ce qu’un cavalier qui compte ?

J’ai l’image de quelqu’un qui compte ses foulées, refait son parcours et ses combinaisons. L’image aussi de quelqu’un qui a marqué les esprits par ses performances,  ses qualités et qui peut apprendre aux autres. Comme ceux  qui m’ont appris, à qui je fais confiance et qui me font confiance aussi.  Je dois pouvoir m'identifier.

Il y a quoi dans la tête de cette ado avant la dernière épreuve ?

C'est un peu particulier… Mon cheval, Kemstar, m’a été confié par son propriétaire, Eddy SANS. Au départ c’est pour le remettre en route après une lourde blessure. Comme ça se passe super bien entre nous, on va faire des concours. Et à chaque concours c’est un strike. Je ne pouvais donc pas imaginer en me présentant au Championnat de France que j'allais gagner ! Je sors du dressage en tête.  Pour le cross, j’ai le stress mais Kemstar est super. On fait un SF avec quelques secondes de temps dépassé et on prend la 2ème place. Pour le saut, je me souviens d’un aller/retour aux toilettes avec une vessie prête à exploser !  On a fait sans faute. Kemstar m’a bien sauvé sur quelques barres ! Avec Eddy, qui me coachait, on regardait la concurrente qui était en tête et elle fait tomber une barre. …. Tout le monde a explosé de joie, mon frère, ma sœur, Eddy, mes amis et Maman qui pleurait ! Moi j’étais mal à l’aise de me réjouir car la cavalière précédente était une amie.

Vous gardez quoi de la remise des prix ?

Un souvenir magique ! Quand j’y repense ça me donne encore des frissons…  Je suis sur le podium avec mon coach, qui est aussi le propriétaire de Kemstar, ce cheval qui revient de loin, et on est très émus. En plus ma meilleure amie, Soizic Lefevre, est championne en minime et du coup  on a fait le tour d'honneur ensemble. Toute l'équipe des écuries est très liée ; je me souviens qu’on a partagé la victoire avec tout le monde ! Même des gens qu’on ne connaissait pas !

Le après se gère comment ?

Au début je suis sur un petit nuage. Mais assez rapidement mes parents m'ont posé une question : soit on achete le cheval,  soit je pars un an au Canada pour mes études.  J’ai sauté ma seconde et je suis partie à Vancouver dans un lycée où j’étais la seule française.  Je vivais chez ma tante que je n'avais jamais rencontré de ma vie. Je n’ai pas vu un cheval pendant un an. C’était quand même très compliqué pour moi qui n’avais connu que ça. Vous savez, je montais tous les jours depuis que j’étais en âge de marcher !  Mon 1er Lamotte je l’ai fait à 3 ans avec ma mère en mini-hunter. J’allais au collège en culotte de cheval ; ma mère venait me chercher avec le van entre midi et 2 ; elle allait aux réu parents/profs en tenue de cavalier avec le cheval qui attendait dans le van sur le parking ! Le soir, en sortant de l'école, je montais 2 ou 3 poneys avant mon goûter. Je ne regrette pas du tout cette année canadienne. Elle m’a permis de faire des trucs de fille pour la première fois de ma vie : aller chez le coiffeur, me faire les ongles, porter des robes, aller à des fêtes….Mais je me demande  toujours « Et si j'avais acheté Kemstar ? » Il m’a tellement appris…

Avez-vous hésitez dans le choix de votre parcours scolaire ?

Oui. J’ai regardé pour faire le Pôle France à Saumur. Mon père,  qui voyait ça avec plus de recul, a été très prudent en privilégiant le plan B : «  fais des études et continue ta passion. Cavalière pro c’est pas un métier. Pour être millionnaire dans le cheval il faut être milliardaire au départ » Sagesse paternelle ! Quand je suis revenue du Canada, mes parents m’avaient fait la surprise d’un nouveau cheval. Alors, dès que je suis descendue de l’avion je suis allée monter. Mes bagages étaient encore dans la voiture ! J’ai été très gourmande. Trop.  J’ai fait une chute grave, 6 mois d’arrêt. Quand j’ai pu reprendre, j’étais coachée par Eddy SANS, j’ai fait les cadets et juniors en complet avec Emeric George. Après mon bac ES, je suis allée à Lille pour faire une licence d'économie et finance la semaine, et  je rentrais chez moi tous les week-end pour Quidam du Rocher.

Comment avez-vous concilié études et compétitions ?

Comme c’était dur à gérer,  je suis passée au CSO, moins contraignant pour moi.  Ma mère montait Quidam la semaine, et moi le week-end je faisais des concours. Je m’amusais sur des petites épreuves.  Après, mes parents ont divorcé, il n’y avait plus personne pour monter le cheval quand j’étais en cours. On a dû prendre la décision pas facile de le vendre. Je suis quand même compétitrice, mais sans objectif de compet’ ….  Même le cheval était mal. Après, je suis partie à Houston pour mes études et en suis revenue il y a 2 ans.  Ma grand-mère m'a confié un p’tit jeune de son élevage, Early Star du Logis, pour le travailler.

Vous faites quoi maintenant ?

Je suis en dernière année d’alternance chef de produit dans le secteur équitation de la maison Hermès à Paris. Je rentre tous les week-end pour monter. Je suis entrain de me dire qu’il faudrait que j’essaie de trouver un métier en rapport avec les chevaux... J’aimerais vraiment être cavalière pro mais il faut quand même que j’ai un CDI…. Je n’ai qu’une envie : refaire des concours. Et puis un poulain est né chez ma grand-mère. Alors je me suis prise à rêver… Et si jamais ? Il a de bonnes origines, bien encadré et avec beaucoup d’amour… Je suis déjà en train de penser à ses 3 ans…

L’équitation a-t-elle eu un impact sur l’adulte que vous êtes aujourd’hui ?

OUI ! Déjà l'équitation c’est une philosophie de vie.  Elle m’a appris à respecter la nature et la vie animale,  la sagesse. Quand on a un animal de 500 kg entre les jambes il faut faire confiance, se faire confiance,  relever des défis permanents. C’est un challenge qui apprend à perdre, à se remettre en question, à faire des choix et des sacrifices. Tous ces critères sont des atouts dans la vie active.  Même si j’ai des amis, j’ai toujours fait passer les chevaux en premier, et je ne le regrette pas. L’équitation est un sport qu’on ne peut pas faire à moitié.

Ferez-vous faire de l’équitation à vos enfants ?

A chaque fois que la vois, ma grand-mère me dit  : « quel poney on va bien pouvoir prendre pour tes enfants ? »  Elle garde pour eux mes petites boots ! J’adore l’idée !! Mes plus grands moments de bonheur je les ai eu à cheval, alors…..

©CL

07-05-2020