TDA à la loupe

La Tournée des As est-elle encore un circuit d'excellence ?

Circuit d’excellence labélisé FFE, la fructueuse Tournée des As fait l’objet d’un règlement et d’un cahier des charges ultra précis.

Dans sa convention d’organisation, la Fédération Française d'Equitation rappelle que la TDA est destinée à :

  • participer à l’élaboration d’un projet sportif et éducatif ;
  • garantir à tous les cavaliers sur poneys, à leurs parents, entraîneurs et enseignants, l’égalité des exigences sur l’ensemble du territoire ;
  • valoriser les organisations de qualité ;
  • améliorer le niveau technique des cavaliers et des poneys ;
  • permettre aux sélectionneurs nationaux de suivre et d’orienter la progression des cavaliers ;
  • sélectionner les couples pour les épreuves internationales.

 

Dans les précisions obligatoires de la FFE on trouve quelques points croustillants :

Le nombre de partants 

  • Le maximum de partants par piste, toutes épreuves comprises, ne doit pas dépasser les 300 engagés par jour ;
  • Des limitations jour sur la piste principale sont obligatoires : maximum 150 engagés (limitation portée à 180 si pas de programmation des épreuves Future Elite 7 ans) ;
  • Les épreuves As Poney Elite, As Poney 1, As Poney 2 D et Future Elite 7 ans ne sont pas inclues dans les limitations.

 

Les horaires 

  • Toutes les épreuves obligatoires « Circuit régional TDA » se déroulent entre 9h00 et 19h30 le premier jour et entre 9h et 18h le deuxième jour ;
  • Les épreuves As Poney Elite se déroulent entre 14h et 19h30 le premier jour et entre 9h00 et 16h le lendemain (sauf dérogation DTN).

 

Le regard de Jean-Luc VERNON, Vice Président de la FFE, en charge de la vie fédérale est sans concession :

«  Sans être péjoratif, le label TDA est devenu un label standard avec des épreuves standards. On est passé de 20 dates maxi à aujourd’hui plus de 130 par an ! »

Il ne faut pas oublier que côté organisation, c’est le marché de la libre concurrence et près de  95% des clubs accueillant une TDA est issue de la sphère privée.

Alors comment faire entrer dans les clous fédéraux des femmes et hommes d’affaires ? Parce que tout passionnant qu’il soit, ce métier n’en est pas moins une entreprise. Et il n’y a rien là de dévalorisant.

Jean-Luc VERNON : « On a du mal à harmoniser les TDA et beaucoup d’organisateurs ne prennent pas le temps de lire la convention. Pourtant elle est là pour mettre en avant les belles organisations et des niveaux de qualité.»

Le règlement fédéral est une contrainte pour certains organisateurs. Dans les faits comment ça se passe ?

1 Après avoir checké sa compatibilité avec les obligations techniques exigées par la FFE, l’organisateur propose sa TDA auprès de son Comité Régional d'Equitation

2 Le CRE a pour vocation d’arbitrer, de veiller à la qualité technique et de faire appliquer le règlement. Quand 20 organisateurs postulent pour 10 places (1 TDA par département de région sauf  par exemple pour la région Occitanie qui est composée de 13 départements) les tensions commencent.

3 Une fois le calendrier arrêté par le CRE, il est envoyé à la FFE qui valide ou pas.

4 L’organisateur doit ensuite jongler avec les limitations de partants selon son nombre de pistes et les horaires. Un Tétris géant. Auquel vient s’ajouter la recherche de dotations, d’animation, de jury et de chronométreurs…

 

Les plus réfractaires, qui souhaitent rester anonymes,  avancent qu’ « avec leur métier particulier – travailler et gérer des êtres vivants 24h/24h, 365 jours par an, associé à une clientèle exigeante, des compétitions hebdomadaires et une concurrence féroce – ce règlement alourdit encore plus leur tâche. »

Jean-Luc VERNON rétorque « Je le redis, le Circuit Régional a vocation à mettre en avant les plus belles organisations. Les CRE doivent aussi être vigilants à la qualité des tracés et aux hauteurs. Sur certaines échéances on voit des enfants que ne sont pas préparés à ces hauteurs. La stratégie de formation de chaque club se révèle particulièrement sur une TDA. C’est leur compétence qui fait le Label ! »

Claude SARAMON, Président du CRE Occitanie  : « La philosophie de la TDA c’est le circuit d’excellence. Trop de TDA banalise le côté élitiste. En Occitanie on a voulu que les TDA soient associées et pas dans la dualité, alors ce circuit on l’a organisé ensemble. Mon rôle est de veiller à ce que le règlement soit appliqué équitablement pour les 13. S’ils ne respectent pas le cahier des charges et les décisions collectives, pas de renouvellement l’année prochaine

Jacob LEGROS, Référent Sport au Comité Régional d’Occitanie, dirigeant de centre équestre et futur candidat à la Présidence de la FFE : « Il faut être clair : une TDA c’est économiquement intéressant mais il y a eu des excès, on ne fidélise plus. Si pour les parents c’est beaucoup d’argent pour peu de plaisir c’est que l’esprit de la TDA s’est dilué. Il faut revenir sur les valeurs de l’équitation et du sport, le respect de l’animal et le vivre ensemble tout en nous engageant sur la formation.»

En Bourgogne, Frédéric KELLER dirigeant de centre équestre et organisateur de TDA s’exclame, un peu dépité  :

« Mais les TDA y’en a trop ! Y’en a tellement que le circuit n’a plus de valeur ! Moi je n’ai qu’une piste alors cette réglementation je l’applique de fait et ce n’est pas une contrainte. Mais sur les très gros clubs, avec beaucoup d’engagés, je ne suis pas sûr que ça soit faisable. »         

« S’il est vrai qu’un concours labélisé TDA a des dotations plus prestigieuses, pour nous le déroulement est le même qu’un concours normal. Le chef de piste respecte les hauteurs et les difficultés sans surcoter ni sous-coter. Niveau horaires, nous on met les petites épreuves le matin le 1er jour et on inverse le 2ème jour alors ce règlement n’est pas une contrainte » Céline FRUTIGER Présidente de Jury TDA.

Jean-Luc VERNON indique que « pour être au plus près des centres équestres on a autorisé les AS en dehors du label TDA ». Cependant le jury compétent pour ces épreuves a un coût qui doit être amorti par le nombre d'engagés. Pas facile. 

Katy JARRETT, dirigeante de centre équestre en Rhône Alpes, résume bien la situation quant au taux de remplissage autorisé : « En tant qu’organisateur de TDA 300 partants par jour c’est bien ; en tant que coach 200 c’est mieux. Il faut trouver un juste milieu. Faire 300 partants et finir à la nuit c’est pas le même sport. Il faut profiter de la lumière du jour et ne pas oublier que faire faire des kms aux gamins pour venir sur une TDA ça fait rentrer tard.  C’est un super casse-tête ! »

« Pour le niveau équestre, il reste les Super As. C’est top ça ! Elles sont toujours sur de beaux terrains, et permettent de se mesurer à un bon groupe de cavaliers. C’est quand même mieux de faire une As Elite face à 40 concurrents plutôt que 2 comme ça arrive souvent.» Katy

Les 10 Super As de cette saison semblent la solution de secours pour le niveau équestre et la détection de talents. Cependant, si 2 ou 3 sont soumises à sélection, les autres sont ouvertes à tout cavalier de moins de 18 ans avec le niveau requis pour ce type d’épreuve. C’est donc à l’enseignant que revient la décision d’engager ou pas, en tenant compte de la pression parentale, de ses objectifs, de ceux de ses clients, des cavaliers et des moyens financiers. Lourde tâche. 

bien y regarder, les Super AS paraissent prendre un chemin identique à celui de la TDA actuelle. Sans omettre les autres épreuves Super As, plus de 40 partants sur une Super As Elite est un succès de fréquentation mais un vrai risque pour sa vocation initiale. La FFE peut-elle limiter le nombre de Super As pour rechercher une certaine qualité de monte sans froisser ses adhérents ?

Par ailleurs, vérifier l'application de la convention n'est pas évident pour la FFE qui se repose sur les Présidents et Présidentes de CRE. Est-il possible de soumettre un club équestre privé au règlement d'une fédération sportive qui est par nature, une association régie par la loi du 1er juillet 1901 ?  Il est plus facile d'être diplomate à l'ONU que Président ou Présidente de CRE !

Si le nombre de TDA tend à banaliser les épreuves, leur organisation et les points qu’elles rapportent en cas de classement, sont non négligeables aux yeux des cavaliers, leurs parents et enseignants. Le but avoué pour tous étant une participation au Championnat de France.

Pour les coachs, la TDA est une source de revenus et reste la meilleure vitrine de leur savoir-faire pour de nouveaux clients.

Au yeux des engagés une TDA c’est se mesurer certes, mais c’est aussi retrouver les copains, la soirée cavalière, les premiers émois, l’apprentissage de l’autonomie.

L'As Elite étant réservée à... une élite certaine, la majorité des parents du gros de la troupe joue le jeu, consciente de la cherté du week-end mais également des valeurs de ce sport, de la proximité avec l’animal, des différences sociales bien visibles, de l’apprentissage de la détermination, de la solidartié, de la patience, de la douleur et de la joie. Tout ce qui fait la vie en somme et peut-être la véritable richesse de ce circuit. 

Induit par la TDA, « avoir fait Lamotte » est un signe d’appartenance que ces adultes de demain partageront, complices d'un vécu commun et privilégié. Qu'ils deviennent professionnels du cheval ou non. 

Si le vœu compréhensible de la FFE est de redonner à la Tournée des As un niveau équestre d’excellence, peut-elle lutter avec des conventions contre le lucratif marché de la fabrique à souvenirs ?

01-11-2022