Rencontre avec Anne de Sainte Marie candidate à la Présidence de la F.F.E

La Fédération Française d'Equitation changera ou renouvellera sa tête en 2021 le 18 mars prochain

Quelle idée vous faites-vous de la Présidence de la F.F.E ?

On sait s'entourer de gens de terrain et de grande expérience sur plusieurs secteurs, des passionnés qui amènent d' autres expertises et compétences , le respect des diversités dans une structure qui ne sert pas ses intérêts. On peut aussi en avoir une lecture purement institutionnelle c'est à dire une délégation du service public du Ministère des Sports avec trois missions : 1) La Haute Performance, qui va sélectionner les équipes de France, les donner sur les compétitions internationales et donc assurer le rayonnement sportif de la France à l’étranger dans les quatre disciplines olympiques et paralympiques 2) Une mission de formation. La Fédération doit former ses encadrants, ses accompagnateurs, ses dirigeants avec différents diplômes 3) Le développement. C’est là où nous allons nous rapprocher du pratiquant. C’est le déploiement de l’équitation pour tous les niveaux, dans toutes les activités, sur toutes les catégories sociales, des politiques sur l’inclusion, des politiques de diversification. A côté de ces trois missions, la Fédération a un agrément du Ministère de l’Agriculture, car, à travers ses règlements sportifs, elle impacte la sélection des chevaux, des poneys et l’orientation de l’élevage.

En général, les pratiquants d’équitation à poney, sont peu sensibles ou sensibilisés au label FFE apposé à l’entrée des clubs affiliés. Savez-vous pourquoi il y a ce manque d’image et de compréhension entre le pratiquant et les hautes instances que vous êtes amenée à peut-être diriger ?

Il y a en effet un déficit de lien entre la base et la Fédération parce que pour moi, il y a un déficit de considération de la Fédération à travers ses pratiquants au sens large. L’interlocuteur de la Fédération c’est le Club ; c’est lui le maillon fort qui soude la pratique de l’équitation sur le territoire. Je crois qu’on aurait intérêt , et le je proposerai dans mon programme, à composer une "Commission des Pratiquants Licenciés", qui soit consultative et qui de ce fait, puisse améliorer le lien. De quoi ont envie nos pratiquants, quelles sont leurs aspirations, comment répondre à leurs besoins ? Besoins qui peuvent être très variés. Cela peut aller de programmes de formations spécifiques ou d’informations, aussi bien que sur des sujets pointus ; d’autres d’actualité comme par exemple la sensibilisation et la prévention des violences sexuelles, ou de l’information sur le bien-être animal, la sécurité des pratiques. Il y a tout un tas de choses qui relève d’un dialogue entre la Fédération et ses licenciés sans pour autant court-circuiter les Clubs. Parce que les Clubs sont le lieu de vie ; le lieu d’enseignement des pratiques, de l’encadrement de la compétition. Je suis sûre qu’il y a quelque chose à créer.

Quand on va s’inscrire dans un club pour des cours, on s’aperçoit très vite qu’il y a une disparité de prix, quels que soient les niveaux, quelle que soit la structure. Il n’y a pas un prix plancher sur lequel se baser. Quelle est votre idée là-dessus ?

Ce que je crois, c’est que chaque Club a son identité et c’est très important. Dans notre projet, on a une mesure qui consiste à déployer du personnel sur le terrain qui s’appelle « Référent Terrain », pour aller à la rencontre des Clubs, pour les aider à développer leur identité. Chaque Club est unique. J’incite vraiment les dirigeants à trouver leur positionnement : nature, compétition, loisir, bien-être etc. En revanche, je trouve quil n’y a pas de transparence, en tout cas pas d’éléments factuels visibles du public, pour que les clients s’y retrouvent. Aujourd’hui l’offre est illisible. Les cavaliers ou les potentiels cavaliers ne sont pas capables de faire la différence entre les Clubs qui sont labellisés et ceux qui ne le sont pas, les qualités d’enseignement ou une compétence spécifique. Moi je propose de créer non pas un label comme il existe aujourd’hui, qui est un label fédéral que personne ne connaît, que le public ne connaît pas, mais des labels de consommateurs. A travers notre Commission des Pratiquants, je propose d’identifier des critères d’évaluation de nos Clubs par le regard des pratiquants. A co-construire bien-sûr avec les équipes techniques , pour pouvoir bâtir des labels au plus proche des attentes des cavaliers mais qui aussi, bénéficient d’une communication nationale supportée par des marques nationales comme le fait par exemple 50 Millions de Consommateurs ou C’est qui le Patron.

Comment pouvez-vous expliquer une telle divergence de prix des engagements sur le circuit Tournée des As ?

Ce sont les organisateurs qui fixent les tarifs des engagements. La constante est la part fédérale sur l’engagement, c’est-à-dire une contribution de moins de 5€ par engagement. De manière générale, c’est vrai pour l’équitation comme pour tous les autres domaines, que nous sommes sur une économie libérale ; les prix sont libres et il est interdit d’avoir des ententes. Après, libre à chacun d’aller ou non dans une compétition et de faire une analyse de rapport qualité/prix. Ce que demande la Fédération, parce qu’elle est dans son rôle sportif et pas dans celui de régulateur économique, c’est de répondre à un cahier des charges technique et ce rôle je veux m’en porter garante. La labellisation des concours est le seul moyen de la Fédération pour organiser les calendriers de compétitions. Aujourd’hui on ne peut pas interdire à quelqu’un d’en organiser ; en revanche on peut choisir de lui donner le label T.D.A ou pas. Après, on peut se poser la question de savoir s’il doit y avoir une évolution du cahier des charges. La Commission Patiquant pourra être consultée sur ce cahier des charges par la Direction Technique Nationale.

La démocratisation de l’équitation à poney est-elle bénéfique à la pratique de la compétition ?

Je défends une relation au cheval et au poney accessible au plus grand nombre, mais dans des modalités différentes. Ca ne veut pas forcement dire monter toutes les semaines à cheval ; ça peut être faire une ballade une fois, faire un stage une autre fois. En revanche, c’est peut-être un peu iconoclaste mais je suis très claire : du cheval et du poney pour tous oui. De la compétition non. La compétition, si on veut la faire dans le respect du bien-être du cheval ou du poney, si on veut la faire de manière sérieuse, dans des conditions de sécurité optimales, ça coûte de l’argent. Alors qu’il y ait une disparité ça c’est la liberté d’entreprendre. On se trompe, on ment aux gens si on dit que la compétition est accessible à toutes les catégories sociaux-professionnelles.

La candidate à la Présidence de la F.F.E est-elle sensible au fait que le très haut niveau poney (épreuves As Elite, Europe) n’est, à l’heure actuelle, accessible qu’à un microcosme issu soit de la filière équine, soit avec des moyens financiers très importants, au détriment d'autres jeunes talents ?

J’y suis très très sensible. ! J’y suis très sensible parce que je considère c’est un risque pour nos activités. L’élite poney, c’est les cavaliers d’élite de demain. On le voit avec les grands champions d’aujourd’hui qui sont issus du circuit poney, Eugénie Angot, Simon Delestre et plein d’autres cavaliers. C’est vrai sur le poney, c’est vrai sur le Children, le Junior et du coup sur les Jeunes Cav’. Je considère qu’il y a un risque majeur pour une raison simple : si nos équipes de France se restreignent toujours davantage autour d'enfants de professionnels et de personnes , fortunées ça nous expose et on redeviendra une caste élitiste. Se pose alors la question des Jeux Olympiques qui sont normalement une compétition pour des amateurs. Si on est restrictif dans l’ouverture il faut s'interroger. La dernière génération qui n’est pas composée à 100% de ces deux catégories là, c’est la mienne, la génération des quarantenaires. On en a deux très beaux représentants qui sont Kevin Staut et Pénélope Leprevost qui montait en Club et qui n’avait des parents ni riches ni professionnels. Mais quand on est à la génération du dessous, on arrive à ce que vous dites, un microcosme. Ce sujet, moi, je veux le traiter par une politique de détection de « talents »  sur des critères techniques. Dans tous les sports il y a une politique de détection du talent avec une grille de critères techniques, de motivation, et bien sûr un critère scolaire. Ces conditions là décident l’identification des jeunes talents et je propose un système de bourses par l’intermédiaire d’une Fondation Fédérale qui permettrait d’accompagner ceux qui on été identifiés, en les conservant avec leur coach. C’est très important ça aussi. L’accompagnement est financier, sur l’entrainement et va jusqu’à la location du poney ou du cheval, et ça de 11 à 18 ans. Après 18 ans c’est autre sujet, mais par contre ce programme là je ne le ferai par forcément avec un objectif de médailles. Bien sûr qu’il faut qu’on en ait mais je pense que l’enjeu d’avoir des cavaliers qui ne soient pas issus de ces deux catégories sociaux-professionnelles ça n’est pas d’avoir des décorations. Il faut distinguer deux projets : le projet équipe de France et médailles et le projet de constituer des cavaliers professionnels. Ce projet d’accompagnement de ces jeunes là est sur le plan financier, technique mais aussi structurel pour les aider à monter un système pour que, si c’est leur choix, ils puissent devenir des cavaliers pro établis, salariés ou installés. Et dans ce réservoir de cavaliers issus d’autres catégories, alors, un tout petit nombre émergera parce qu’il rencontrera un propriétaire de chevaux, et des chevaux pour devenir un champion. Voilà ce que moi j’ai en tête pour faire que, au moins une histoire par génération de cavaliers d’excellence ne soit pas monolithique. Comment se retrouver dans nos champions quand on en est exclu par notre naissance ? C’est une question d’image.

Ce que je sais c’est que dans mon système, celui de la Fédération et de la pratique, c’est la base qui permet l’équitation. C’est-à-dire qu’aujourd’hui les 600 000 licenciés dans nos 6000 établissements, font l’équitation au quotidien. Je vais même être plus triviale, ce sont eux qui font la moitié du budget de la Fédération c’est-à-dire les 22 millions qui proviennent des licences. Si je n’ai pas de pratiquants, il n’y a pas de clubs et pas de Fédération. Aujourd’hui la pratique en compétition pour ne parler que d’elle, c’est 150 000 licenciés sur 600 000 donc il ne faut pas se tromper.

La compétiton est une partie importante parce qu’elle est liée à la fidélisation, avec des cavaliers qui montent d’avantage, consomment d’avantage et donc dépensent d’avantage mais on se retrouve dans une pyramide avec une base qu’il faut de toute façon alimenter et renforcer. D’ailleurs, l’écueil dans lequel on est tombé depuis 10 ans c’est parce que nous perdons des primo licenciés. Notre perte de licences vient des enfants qui ne franchissent plus la porte du poney club. Je considère que notre rôle à nous, Fédération et clubs est d’être très transparents avec les cavaliers et leur famille sur notamment les coûts qu’impose la pratique. Après, il y a un sujet éthique mais le choix revient aux familles ; je pense que des familles ou des parents qui se saignent trop ce n’est pas bon pour l’enfant, ni pour l’enseignant ; on se retrouve dans un système de pression insoutenable et on perd la valeur éducative quand on va dans l’excès. Ce qui pour moi doit être au centre du projet de la pratique d'un côté et de la compétition de l'autre dans les divisions clubs et poneys, c’est de ne pas oublier que c’est d’abord un projet éducatif avant d’être un projet de performances sportives. C’est un sujet sur lequel je suis très claire et je serai assez intransigeante.©

CL

Pour aller plus loin : A cheval demain, le site de la candidate et de son équipe  achevaldemain.org

Crédit photo Zsuzsanna WAGENHOFFER 

04-01-2021