Le pied. De celui du cheval à celui de la gamme de soins naturels pour équidés.

Les belles histoires de l'été

Ca commence par un rêve d'enfant.

Du plus loin qu'elle se souvienne, Luce est fascinée par les chevaux et pourtant dans sa famille, personne n'y est lié de près ou de loin.

Si on lui offre des cours de poney, ce n'est pas assez et c'est en cachette, avec ses copines, qu'elle squatte le centre équestre. Ca promet !

A l'heure du choix d'avenir, le profil des métiers équestres effraie ses parents qui avaient, dit-elle « une image caricaturale de la monitrice équestre : pas d'heures ni de vacances, boulot dur et sans avenir, mal payé ».

Pour assurer et rassurer, elle suit un brillant cursus à Sup de Co, travaille quelques années dans la grande distribution tout en étant consciente que « ça ne [ lui ] convenait pas mais fallait bien ».

Parce que son premier cheval « avait des problèmes de pieds terribles » et que Luce voulait connaître les origines et les conséquences de ces complications, elle se lance dans la maréchalerie. Une reconverstion professionnelle. 

Sur le papier ça paraît si simple...

« Je me suis battue hein ! »

" D'abord pour avoir ma formation - à 28 ans je n'avais plus l'âge d'être en apprentissage - puis après j'étais trop fine, puis la femme de mon premier maréchal formateur ne me voulait pas, puis le maréchal qui drague, ceux qui forment en rabaissant sous prétexte d'être à la dure…"

C'est dans sa dernière année de formation qu'elle rencontre un maréchal et sa femme, ouverts et sans parti pris.

" C'était pas moins difficile ni exigeant, mais c'était dans la patience, l'échange. Une autre philosophie qui me correspondait mieux. "

Luce pose un regard subtil sur son métier.

" C'est physique certes, mais c'est pas un métier de brutes. C'est intellectuellement hyper riche la maréchalerie ; il y a une vraie réflexion autour du pied. Il faut se creuser la tête pour aider un cheval. Je me la creuse ! Je suis o-bli-gée de réfléchir au parage que je vais faire.

Rien n'est naturel dans ce métier. Les positions, les gestes… Notre outil de travail c'est notre corps et il est inconstant. La difficulté elle est là.

C'est un travail de solitaire ; on peut facilement s'enfermer c'est pour ça qu'il faut rester ouvert et s'informer en permanence. J'exerce de façon à ce que ça me corresponde, c'est une remise en question permanente.

Le ferrage parfait n'existe pas. C'est pas grave de ne pas trouver la solution. Je discute avec d'autres pro, j'échange avec eux sur un cas complexe. Il faut mettre son orgueil de côté et ne pas faire trinquer le cheval pour garder un client.

Chaque équidé a son histoire, son activité, sa particularité. Il n'y a pas une seule vérité. "

La maréchalerie au féminin c'est comment ?

"Dans ma formation, j'ai été conditionnée au « ça va être dur »".

En fait c’est génial d’être une femme maréchale ferrante ! Au début les clients me regardaient un peu bizarrement mais toujours avec bienveillance." Dans un éclat de rire lumineux Luce poursuit : "maintenant on m’appelle parce que je suis une fille ! ".

"Dans mes stagiaires il y a de plus en plus de filles ; les garçons ont un peu plus de mal à venir en stage. Peut-être une question de testostérones… Ce métier a beaucoup changé depuis que j’exerce ; ça ne passe plus la manière forte."

Luce raconte tout ça presque d’une traite. Au début de cette conversation, sa voix est posée puis elle s’anime très vite, reprise par la passion et toujours avec le sourire.

Luce c’est un  rire. Clair. Comme ses mots.

Ne vous trompez pas. Derrière ce petit bout de femme, il y a une forte personnalité qui va de l’avant.

C'est parce qu’elle ne trouvait pas l’huile qui réponde aux besoins des poneys et chevaux qu’elle ferrait, qu’elle confectionne alors ses mélanges perso. Une cliente lui en a demandé « car elle trouvait que les pieds de son cheval restaient beaux plus longtemps ». Puis une copine et d’autres clients et ainsi de suite.

" Ca devait juste s’arrêter là !  Mais une copine infographiste dans mes écuries a proposé de me faire des étiquettes pour mettre sur mes bouteilles"

D’autres clients demandent. Et comme le statut d’auto entrepreneur ne suffit plus, Luce crée la marque Karitale. Uniquement pour entrer dans les clous !

"Au début j’ai crée une gamme d’huile pour les pieds. Un jour, à force d’entendre une directrice d’écurie râler parce qu’elle devait mettre de la crème  solaire sur le nez d’une jument et qu’ elle en avait toujours plein les mains, je lui ai conçu le premier stick anti-UV pour équidé.  

Je fabrique mes propres cosmétiques depuis longtemps.  J'évite le chimique pour moi et mon cheval, pourquoi j’irais en mettre sur le cheval des autres ? "

Depuis 2018, Luce élabore des produits et des formules dans son laboratoire. "Ca sort pas en deux mois ! Faut tester avant ! Mais je ne suis pas pressée."

 Je cherche des alternatives naturelles à ce qui existe déjà. Par exemple pour mon anti-UV,  il ne dure peut-être pas 4 jours sur le cheval mais au moins il n’est pas cancérigène !"

Si Luce est seule à la création, Karitale c’est maintenant 3 personnes.

"On fait tout nous-mêmes : de l'imagination de la formule à l'envoi en passant par le collage des étiquettes sur les pots. Je choisis toutes les matières premières et je les teste toutes ; c'est pour ça que je ne peux et veux pas déléguer la production. Je tiens à garder du plaisir et de l'indépendance.

La finalité de tout ça c'est le confort et l'intérêt du cheval quoi qu'il arrive."

Luce ne se départit pas de son enthousiasme clairvoyant et de son plaisir d'exercer. Elle porte sacrément bien son nom : DEJOIE.

Communicative.

(NDLR aucun lien de parenté avec Candice la cavalière sudiste du même nom)

photos Karitale

16-08-2022