Equitation poney : cachez ces pratiquants que je ne saurais voir

Incursion

Si le Président de la FFE est le premier officiel à s'être investi il ​​y a 20 ans pour rendre la pratique de l'équitation à poney accessible à tous, la révolution numérique et l'immobilisme corporatif construisent la faille .

Autonomie, responsabilisation, confiance, posture, équilibre, musculature...  Les bienfaits  physiques et psychomoteurs de l'équitation sur l'enfant ont été  démontrés par de nombreux scientifiques qui s'accordent à en vanter les mérites un peu partout dans le monde.

C'était sans compter sur les appétits de compétition des jeunes cavaliers et de leurs enseignants.

La démocratisation de la pratique poney a rendu le concours incontournable.

Tout d'abord parce que les chefs d'entreprise, que sont les dirigeants de centres équestres et organisateurs de compétitions, ont rapidement constaté que ces concours internes ou externes sont une manne financière. De l'incontournable buvette pour les organisateurs au tarif du coaching concours pour l'enseignant ( le travail étant totalement différent de celui « à la maison »  NDLR ) en passant par la mutualisation du transport des poneys du club qui vient aussi amortir l'achat du camion utilisé plus tard, ailleurs, sur des épreuves prestigieuses mais plus chères et moins fréquentées.

Et puis ces chefs -ffes d'entreprise ont parfaitement compris que l'émulation ne s'arrête pas là.

Les performances de leurs jeunes cavaliers sont une vitrine pour le recrutement de futurs adhérents . La détermination, le goût de la gagne, sont souvent les éléments déclencheurs du premier achat d'un poney par la famille. Pour le centre équestre de propriétaires et de club une nouvelle pension, une commission sur la vente et pour les clients un changement de statut sociétal.  De pratiquant à propriétaire.

Parce que dans la vraie vie, les jeunes cavaliers et leurs parents, majoritairement non équidants, sont en permanence soumis à une différence de traitement au sein de la structure. Immanquablement, les propriétaires ont des protocoles dus à leur contrat comme un casier, un parking, une douche, une déférence vis-à-vis de ceux qui payent le plus (mais pas forcement le mieux…) On a même vu des clubhouses accessibles uniquement aux propriétaires.

S'ajoute à ces procédés une  pression Instagram de jeunes cavalières et cavaliers en devenir qui promeuvent leur image à coups de Giveaway et autres jeux avec le soutien d'équipementiers prêts au placement de produits. Sauf, qu'à la différence d'avec les Anges ou les Marseillais , ces influenceurs poney ont pour la plupart moins de 16 ans ( limite d'âge pour les épreuves Grands Prix Lamotte et internationaux NDLR ), suivent leur scolarité et n 'effraient pas les parents par leurs futurs comportements, puisque ces sportifs sont logiquement, soumis à des entraînements sains et finaux.

Cette image idyllique de l'athlète bienveillant-e, de bonne famille, qui pratique un sport réputé cher est rattrapée par une réalité crue, initiée par la rentabilité.

Sur de grands salons, des concours nationaux et internationaux c'est un tout autre visage . L'influence du portefeuille et du Bottin mondain, qu'ils soient du monde équestre ou pas, sont la priorité. Pour accéder aux miettes du spectacle, il faudra payer certes mais ce n'est pas pour autant que vous serez assis. Vous n'avez pas le même niveau de prérequis et on vous le montre.

Les valeurs de l'équitation véhiculées à grand renfort de spots TV avec des enfants - où la compétition n'est jamais représentée - les affiches, les applis qui communiquent avec un babychou angélique sur un shetland qui ne l'est pas moins, sont en total décalage avec le terrain . Particulièrement celui du concours.

Ce paradoxe installé depuis plusieurs années, s'est intensifié en ces longs mois d'absence de compétitions autorisées aux mineurs. Avec leurs réouvertures et l'augmentation du coût de la vie, éclate au grand jour la disparité entre  ceux qui peuvent et ceux qui voudraient.

Cette fracture annoncée a été soulevée - sans effet - par de nombreux acteurs de la filière qui œuvrent 365 jours par an à faire de l'équitation et des concours à poney un sport accessible par tous, dans le respect de chacun. Il n'est pas honteux de vouloir faire fructifier le chiffre d'affaire de son entreprise et celui du secteur équestre.

En revanche, tenir un double langage est pernicieux pour l'ensemble des sports équestres.

Maintenir une équitation à deux visages viendrait à annihiler la crédibilité déjà bien ternie de ce sport.

Proposer une image quand le cœur même de la filière est divisé est un défi marketing intenable.

La perception d'être invisible,  d'être juste un paye-et-tais-toi, le manque d'une considération minimale sur les grands événements d'équitation commencent à dangereusement peser aux enfants et à leurs parents financeurs.

A ceux qui envisagent de répliquer par un « si t'as pas les moyens tu fais pas », c'est oublier que plus de 70 % des licenciés FFE a moins de 18 ans et que 82% d'entre eux sont issus de la classe française moyenne . ©

 

CL

Photo D. Petite - Sources Soffres - FFE -

 

03-11-2021