2010 - 2020 CES CHAMPIONS DE FRANCE QUI ONT GRANDI - 4

Après ce bel été de CSO, le choix de Tressy…

Pour Tressy, qu’est-ce qu’un cavalier qui compte ?

C’est quelqu’un qui est capable de monter et d’utiliser le cheval pour en faire son métier sans penser à l’argent. Le plaisir de monter et travailler pour le cheval, faire passer son bonheur avant le notre, car c’est un animal avant tout.

Deux échéances dans le même mois, vous vous y préparez comment ?

Honnêtement j’ai travaillé tous les concours de la saison comme si c’était pour le championnat. Pour moi c’était comme les autres concours. Presque ! D’accord courir pour un titre c’est un peu différent car il y a  plus de pression, mais c’est naturel. Moi j’ai tendance à ne pas trop me mettre de stress ; si ça doit le faire ça va le faire ! Avec le recul, je me rends compte que, lorsque je monte pour me faire plaisir , je suis plus performante et ça a eu un impact, vraiment.

En 2010, vous êtes à Villeneuve-Loubet, dans le centre équestre où enseigne votre père, Eric. Etre coachée par Papa c'est comment ?

Être coachée par son père c’est bien parce qu’on se  connait par cœur. Il sait mes défauts et mes qualités et il m’apprend la gestion du mental pour faire face aux grandes échéances, donc ça aide. Mais d’un autre côté c’est compliqué car il faut savoir faire la différence entre le père et le coach. Et ça, ça crée des tensions quelques fois !

Il y a quoi dans la tête de cette ado avant d’entrer en piste pour la finale à Lamotte ?

Je suis très concentrée, j’écoute le dernier conseil de Papa. J’ai envie de bien faire et de donner le maximum, je me mets dans  ma bulle. Faire  abstraction de ce qui nous entoure et de le  faire avec son poney c'est vraiment très important. Je me souviens de 3 jours de compet’ : 2 jours sans faute et un 4 points. J’ai fait une erreur à la première manche mais j’ai joué le chrono, on ne sait jamais ! Du coup je pars en dernier, je sais que je suis à ce moment-là 1ère ex aequo et donc je suis obligée de faire sans faute… !!

Vous gardez quoi de la remise des prix à Lamotte ?

C’est un moment particulier mais pas plus que ça. L’émotion que j’ai adoré le plus c’est quand  j’ai passé la ligne d’arrivée : les gens hurlent, il y a les applaudissements et je suis toute seule au galop dans la carrière. C’est très émouvant

Et celle de Jardy à l’occasion des Championnats d’Europe ?

C’est particulier car il y a beaucoup de cavaliers étrangers, l’enjeu est plus important. Je ne m’en rendais pas compte à l’époque, mais quand on a  gagné, on est une sur montée et moi j’étais sur ma lancée. C’était mon mois invincible !! C’est un moment un flou la remise des prix. Je me souviens que chaque cavalier du podium recevait un énorme nounours. Et comme j’avais gagné l’or de l’individuel, j’ai eu le plus gros !! Il est toujours dans la famille !

Le après des 2 concours se gère comment ?

J'ai fait une pause d'été et j'ai repris la saison comme je l'aurai fait pour n'importe quelle saison. Peut-être avec un peu plus de confiance en moi, de connaissance des  poneys et des chevaux...Je dirais qu'à la nouvelle saison les gens attendent le faux pas, ça fait partie du jeu, mais je reste une combattante !  Je sais que la faute peut arriver malgré toute l'expérience. Le fait d'être jeune sur des épreuves comme ça fait que je ne réfléchissais pas et je fonçais je fonçais ça c'était mon truc ! En vieillissant, je me rends compte que je réfléchis plus, je m'accepte comme je suis et je ne m'occupe plus du regarde des autres. C'est bien aussi ….  Il faut savoir être humble car on peut se rater au concours d'après . Les chevaux ramènent vite à la réalité.

Comment avez-vous concilié études et compétitions ?

J'ai fait le CNED de la 4e jusqu'à la Terminale STMG. C'était pas évident de concilier études et concours. Mais avec mon frère on avait pas le choix, c'était la condition : le bac d'abord ! Nos parents ont été prévoyants ; ils savent, eux,  que ce n'est pas un métier facile mais ils voulaient qu'on ait le choix de faire ce qu'on voulait plus tard.  Je me souviens qu'on avait école le matin avec un prof qui venait nous aider sur les matières générales difficiles et qu'on emmenait toujours les devoirs en concours. Mais on ne les faisait jamais.....

Vous faites quoi maintenant ?

Je suis cavalière pro. Après mon bac, j'ai passé mon diplôme d'entraîneur,  c'était important pour moi que j'ai ce diplôme . Je suis restée chez mes parents jusqu'à mes 21 ans ; j'ai suivi des formations, des stages avec d'autres cavaliers pro puis je suis partie un an au Haras des Grillons dans la Drôme travailler avec un cavalier de 5 étoiles où j'étais uniquement cavalière. Je suis maintenant revenue chez mes parents et j'attends qu'on puisse refaire des concours !!

Est-ce que l’équitation, pratiquée depuis carrément vos 1ers pas, a contribué à  l’adulte que vous êtes aujourd’hui ?

Oh oui ! Les chevaux nous remettent en question tout le temps ! Ils ont forgé mon caractère et m'ont appris à gagner, à être une fonceuse, avec les échecs et les réussites. Ce qui se passe à cheval c'est ce qui se passe dans la vie. Ce n'est pas parce qu'on a raté un parcours qu'on a raté sa vie. Il faut savoir accepter qu'on puisse ne pas toujours gagner ;  il faut persévérer, ne pas lâcher pour se relever. Dans la vie en général comme dans la vie de cavalier, il y a des années où l'on est moins performant mais ça ne veut pas dire qu'on est mauvais ! Il y a des fois où ça passe et d'autres pas...

Si je vous dis que cavalière pro est un métier physique, sans horaire, sans jours fériés, avec beaucoup de déplacements souvent très longs, des obligations de résultats vis-à-vis de vos partenaires et une pression carrément constante, mal rémunérée, est-ce que c'est une bonne définition ?

Vu comme ça , ça donne pas envie !!! Bon c'est vrai qu'il y a des points négatifs, mais ils sont gommés par la passion. Je suis compétitrice, vraiment, j'adore la compet',  mais aussi la relation avec l'animal. Le fait d'autant aimer fait accepter les défauts de ce métier. Et puis être une fille c'est presque un atout ; on a une approche plus légère, une monte plus fine que recherchent certains clients.

Quel est votre rêve de cavalière ?

Les J.O. ! Bien sûr les Jeux Olympiques.... Même si être dans les meilleurs mondiaux n'est pas une fin en soi... J'aimerais être régulière pour me permettre d'aller le plus haut possible, pas forcément sur les 5 étoiles car ça demande beaucoup d'investissements, mais en tout cas j'ai envie de m'en donner les moyens. Mais si je n'y arrive pas, je n'ai pas raté ma vie ! J'ai la chance d'avoir une structure à disposition et des chevaux de qualité ; en ce moment je recrée  un piquet de chevaux pour les former au haut niveau puis les commercialiser. Ensuite, je dois faire un choix : soit les vendre soit les garder. Je marche au feeling... Il m'est arrivé de vendre un cheval sur un 4 étoiles parce c'était le bon moment alors que je l'avais refusé avant. Il faut suivre son feeling.... Ca fait partie de la vie... Et si on ne prend pas de risques hein.... ©

CL

Photos T.Muhr

26-05-2020